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Du béton à la mer : l’enjeu de l’espace commun

L’engagement citoyen dans les questions de la ville vise généralement la récupération de l’espace commun, cet espace qui, bien qu’il puisse se solder par l’espace public dédié, signifie davantage la possibilité d’un vivre ensemble, d’un accord tacite à travers lequel le fruit de la ville est récolté et partagé par tous. Plutôt qu’un lieu dédié comme tel dans une délimitation physique à l’intérieur de la ville, ce que serait l’espace public, l’espace commun est plutôt une condition de possibilité à l’action citoyenne et collective, une condition au droit de regard, de parole et d’intervention sur les forces économiques et politiques qui déterminent, parfois en trop large partie, la possibilité d’existence de ce même espace commun. Si l’engagement citoyen peut se manifester de diverses manières, depuis les grands rassemblements, pacifiques ou violents, à la prise de parole médiatique, la micro-intervention apparaît comme une tactique avec laquelle intervenir directement, depuis l’antre de la situation, sur les symboles associés à la revendication.

Au contraire de ce que pourrait produire une architecture temporaire ou une intervention orchestrée dans le cadre d’un événement particulier, la micro-intervention est plutôt de l’ordre du spontané, du volontaire, du commentaire ou de l’engagement citoyen devant des forces qui lui sont externes et puissantes. Conduite avec une certaine dose d’ironie, la micro-intervention s’insère dans des débats importants par l’entremise de gestes simples, qu’on découvre un peu par hasard mais qui frappent d’une force volontaire afin de résonner avec notre engagement avec et pour le territoire de la ville. C’est le cas des interventions menées par Christian Zahr à Beyrouth, au Liban. Architecte-paysagiste, il a, par sa profession, un regard bien particulier et aguerri sur la ville, mais c’est à titre de citoyen engagé qu’il intervient ponctuellement dans l’espace public, pour l’espace commun. Ainsi, ses interventions qui peuvent paraître ludiques, et qu’il qualifie lui-même de moments d’intuitions portés par des situations particulières, révèlent en fait un regard très précis, critique et réflexif face au développement violent dont est sujette la ville. Particulièrement dans ses interventions Sous les tours la mer et The Angry Dolosse Army, deux interventions apposées sur des structures privées qui réduisent l’espace public et hantent l’espace commun, ces intuitions dévoilent avec force et légèreté, les paradoxes qui se mettent en place.

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«Du béton à la mer : l’enjeu de l’espace commun.» Inter- Art Actuel, no120, printemps 2015, 14-17